Le Passeur est en grève pour soutenir son directeur-fondateur


LE MONDE | 16.02.05 | 15h56
Une association de formation et d'édition nantaise en conflit avec son conseil d'administration
Nantes correspondance
A Nantes, le Centre de conseil et de formation professionnelle (Cecofop), une structure privée, est en grève face à un conseil d'administration qui tente d'évincer Yves Douet, son directeur et fondateur. Ce dernier est astreint à justifier son travail chaque fin de semaine, interdit de déplacements à Paris, privé de la délégation de signature et, pour finir, menacé de licenciement.
Depuis 1982, Yves Douet dirige une association unique en France. Le Cecofop-Le Passeur est à la fois un centre de formation aux métiers du livre et une maison d'édition, qui publie chaque année six beaux ouvrages. Ils sont vingt-quatre, dans cette dix-huitième promotion de la formation "Pro- libris", à étudier toutes les phases de l'élaboration d'un livre, depuis le choix du texte jusqu'à la promotion presse, en passant par la composition.
Depuis le lundi 7 février, cette formation est interrompue par une grève des professeurs. La convocation de M. Douet pour un entretien préalable à un licenciement a mis le feu aux poudres après plusieurs mois de tension croissante entre le directeur et son nouveau conseil d'administration.RÉDUCTIONS DE SALAIRELa situation est née d'un conflit avec deux collaborateurs directs de M. Douet. "En 2003, nous avons subi des pertes, de 60 000 euros sur un budget annuel de 600 000 euros,raconte le directeur. J'ai voulu régler la situation sans recours extérieur, par l'abandon du treizième mois, une réduction du temps de travail et donc de salaire pour moi-même et mes collaborateurs, ainsi qu'une petite augmentation du coût de la formation."
Deux salariés, opposés à ce plan, s'adressent alors aux nouveaux adhérents de l'association pour mettre en cause la gestion de M. Douet. L'assemblée générale du 29 juin 2004 voit l'élection d'un nouveau conseil d'administration, présidé par Pascale Duchateau, une ancienne stagiaire qui représente ce courant contestataire, désormais majoritaire en voix.
S'ensuit, selon Alain Mala, l'un des professeurs en grève, une remise en question des interventions des professeurs, de la réalisation des livres, des rencontres littéraires organisées chaque année en novembre. "Comment peut-on imaginer que lancer des formations en informatique ou en management représente une stratégie viable pour le Cecofop ?", s'interroge M. Douet. Le centre a déjà plusieurs cordes à son arc avec des formations à la diffusion du livre, aux métiers juridiques ou même à l'assurance.
Mais c'est le travail accompli avec "Pro-libris" qui lui vaut sa réputation, un soutien financier du conseil régional des Pays de la Loire et, dernièrement, un comité de soutien national à Yves Douet. Des maisons comme Calmann-Lévy, Denoël, Phébus, POL, Maurice Nadeau et une vingtaine d'autres estiment que, "en s'attaquant à Yves Douet, c'est au Cecofop lui-même qu'on s'en prend, et, par là, à un rouage important du monde des livres".
"Avant l'entrée en vigueur du conseil d'administration (élu le 29 juin), il existait des problèmes de gestion qui se sont manifestés sur le plan économique et nous nous attachons à les enrayer", rétorque Mme Duchateau. Les jours prochains diront si le nouveau conseil d'administration confirme le licenciement de M. Douet. Ce dernier compte sur la convocation d'une assemblée générale extraordinaire dont il espère qu'elle lui rendra sa légitimité.
Yves Pérennou
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 17.02.05

L'OBSERVATEUR