ÉDITION
Source de profit, la distribution est un enjeu crucial du secteur
LE MONDE | 11.11.04 | 15h13
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Des kilomètres d'étagères, des colis qui se déplacent tout seuls, des dizaines de milliers de mètres carrés bourrés d'informatique : telle est à peu près la physionomie moderne d'un centre de distribution de livres. Alors qu'il y a vingt ans, un éditeur faisait lui-même ses "paquets-ficelle" et qu'il existait presque autant d'éditeurs que de distributeurs, aujourd'hui, le secteur s'est concentré autour de quelques acteurs : Hachette Distribution, Interforum (Editis), Sodis (Gallimard), Volumen (Seuil-La Martinière), UD (Flammarion). Certains sont plus modernes que d'autres. A titre d'exemple, Interforum, qui distribue 50 000 références, s'enorgueillit de son nouveau système de stockage, Miniload, destiné aux commandes de petites quantités, pour gérer des catalogues de toutes tailles.
Impossible de comprendre l'économie de l'édition sans mesurer l'importance vitale de ce secteur. L'exemple du Seuil en témoigne : la distribution est le nerf de la guerre. D'abord parce que le moindre dysfonctionnement peut déstabiliser une maison : "C'est un métier extrêmement complexe, explique un éditeur. Les prix unitaires sont faibles et le nombre de références colossal. Les flux ne sont pas à la centaine ou au millier, comme dans l'alimentaire ou la cosmétique. Ils sont quelquefois à la dizaine ou même à l'unité. C'est l'épicerie fine à l'échelle industrielle. Quand ça se dérègle, c'est très difficile à réparer." Nerf de la guerre aussi parce que c'est l'un des centres de profits les plus importants pour les groupes d'éditions. Les bénéfices y sont "très confortables". On peut gagner plus d'argent en "rentrant" un gros client en distribution qu'en publiant des livres !GUERRE DES PRIXD'où l'importance, à l'inverse, de ne pas perdre ses éditeurs distribués. Car les mouvements ont beau porter sur des quantités parfois microartisanales, l'outil, pour être performant, ne peut être que de taille industrielle. Il faut donc beaucoup de clients pour amortir des investissements très lourds. Dans cette équation où les frais fixes sont très importants, perdre un éditeur distribué, c'est autant de marge nette qui s'envole.
Or, actuellement, suite au rachat d'une partie d'Editis par Hachette, Larousse, jusqu'alors distribué par Editis, va être récupéré par Hachette Distribution. Editis se trouve donc avec un "trou" à boucher. Pour Editis, comme pour ses concurrents, tous les mécontents de Volumen sont des proies potentielles intéressantes. On parle de guerre des prix, de dumping, même. La profession s'inquiète : "Si Volumen commence à perdre sa clientèle, ça va poser un réel problème. On risque de se trouver en situation de total déséquilibre, de mettre en péril ce qui était le fer de lance de l'édition : l'activité qui rendait les maisons fortes et rentables."
Pour certains, le marché, encore relativement peu concentré, comporte aujourd'hui un acteur excédentaire. "De tous les distributeurs actuels, il est probable que seuls quatre, à terme, vont résister : Hachette et Interforum, quels que soient leurs propriétaires, la Sodis et un quatrième qu'on ne connaît pas encore, explique un éditeur qui préfère garder l'anonymat. Tout dépendra du comportement de leurs actionnaires. Volumen continuera d'exister s'il arrive à résoudre ses problèmes. Mais pour l'instant, il en est loin."
Florence Noiville
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 12.11.04

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